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’activité artistique de GARDEL à Paris fut aussi intense que triomphante et variée. A ses premières représentations au théâtre “Fémina” et à
l’“Opéra”s’ajoute sa première au théâtre Empire du 41 Avenue de Wagram dans le 17ème arrondissement.
Les origines de ce théâtre remontent à 1866, lorsque l’imprésario de spectacles Marius COMBES construisit un local qu’il baptisa de son nom sur ce qui était alors le Boulevard de L’Étoile; en 1906, le local fit place au café-concert “L’Étoile-Palace” et en 1915, il fut remplacé par une salle de 2000 places avec un foyer richement décoré, où Marius COMBES produisit des œuvres comme “Guillaume Tell” et “La Traviata”.
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Le Théâtre EMPIRE avant la présentation de GARDEL |
En 1924 il fut complètement reconstruit par Oscar Dufrenne et Henri Varna et placé sous la direction artistique du chanteur de revues Émile Audiffrend (“le prince des nuits parisiennes ”) jusqu’en 1932. Durant cette période il prit le nom de Théâtre de l'Empire et devint un brillant music-hall cirque décoré en rouge et or, avec 3000 places et une scène de 22 mètres de large sur 18 mètres de profondeur, où furent présentés de nombreux artistes internationaux : Damia, Lucienne Boyer, Jeanette Mac Donald, Yvette Guilbert, Aristide Bruant, Dranem, Ouvrard, Grock, Ray Ventura et ses collégiens, Alibert, Jules Berry, Henri Garat, Félix Mayol et Maurice Chevalier qui fut subjugué par l’acoustique d’une salle aussi immense.
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En 1924, l'ILLUSTRATION annonçait les renouvellements de l'EMPIRE
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GARDEL passa pour la première fois dans cette salle du 22 février au 7 mars 1929, gagnant 3200 francs par jour et à la tête d’une importante distribution.
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Le Théâtre Empire avec en lettres de lumière Carlos Gardel, Little Esther, Ortons et Van Horn & Inez
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Le nom de GARDEL n’était pas seulement détaché au dessus des autres sur l’enseigne lumineuse. Sur la grande affiche à l’entrée, son image et celle du chimpanzé Djibô attiraient les passants. Au centre de l’affiche figuraient les noms de Blanche de Paunac, Djibô, Lina Tyber, Prior, André Rancy et Ryss. Au milieu d’eux, d’autres noms difficiles à lire à cause de la pâleur de l’encre, et en dernier lieu “ESTHER”, en caractères aussi grands que “GARDEL”. Des deux côtés de la colonne centrale l’annonce de la représentation de la pièce de théâtre “Le Gouffre”, le samedi 23 mars.
Les journaux parisiens annonçaient Carlos Gardel (Le célèbre chanteur de tangos argentins) et ses guitaristes* – Little Esther (l’étoile noire) – Van Horn et Inez (les extraordinaires acrobates sur patins) – Marguerite Carré (cantatrice) – Lortons** (comédiens sur fil de fer). Ensuite, en encadré, Carlos Gardel et la cavalerie d’ André Rancy.
*Il s’agit de José Ricardo, Guillermo Barbieri et José María Aguilar.
** Pour désigner les frères Ortons.
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La Semaine à Paris Nº 353 (1 au 8 mars 1929) |
Malgré cette annonce, la presse des jours suivants ne mentionne plus la participation de Marguerite Carré, dont il est possible qu’elle ait annulé sa présentation au dernier moment. Néanmoins, son nom à l’affiche est une indication du niveau du spectacle : soprano et comédienne aux solides connaissances musicales, née à Cabourg en 1880 et décédée à Paris en 1947, elle était la fille du baryton et directeur de théâtre Auguste Louis Giraud et la nièce de Marguerite Vaillant-Couturier. Elle avait débuté à Nantes en 1899 et à l’Opéra-Comique en 1901; L’année suivante elle avait épousé son directeur, Albert Carré, avec qui elle réalisa des créations mémorables. On retient ses grands rôles à l’Opéra de Paris et à celui de Monte-Carlo. En 1911 elle se produisit à Buenos Aires. |
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Les articles des journalistes se répètent au sujet de la qualité du spectacle, de manière qu’en les regroupant nous pouvons recomposer cette soirée qui commença sur la piste rouge du cirque avec le trio Richleys : deux jeunes femmes acrobates habillées avec des vêtements d’enfants dont le grand frère attrapait d’un bras chacune d’elles en plein équilibre, faisant crier le public à cause de la difficulté de l’exercice.
La presse signalait les “surprenantes fantaisies acrobatiques” de ce numéro du cirque Rancy.
Jane Deloncle - "Les Nuits" |
Suivait ensuite Jane Deloncle, la brune,avec un répertoire que les critiques qualifièrent de "réaliste", mais entravé par le trac.Jane Deloncle est née sous le vrai nom de Jeanne Marie Léontine GAUTHIER à Oran (Algérie) le 7 septembre 1891. Sa carrière a été discrète et relativement courte. Elle semble avoir débuté dans les années 20 en se produisant dans des petits cabarets parisiens. Son premier succès reconnu fut Les nuits de Lucciani et Cloerec-Maupas (1925) ; Devant une quantité de chanteuses réalistes, elle sut se faire une place aux disques HENRY qui comptaient déjà dans son catalogue de 1928, Fréhel, Mary Ketty, Emma Liebel, Mad Rainvyl, Carmen Vildez ou encore la montivillonne Germaine Béria.
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Jane Deloncle |
Elle chante (d'après les disques Perfectaphone) à l'Olympia, puis finira par s'imposer pour se placer aux premiers rangs de vedette en se produisant à l'Empire (d'après Parlophone).
Elle puise dans un vaste répertoire allant des succès de Damia, Marie Dubas, Berthe Sylva ou encore Mistinguett. Artiste réaliste par excellence, à la voix fragile, sensible et touchante et dont le talent est incontestable. Elle a enregistré une cinquantaine de disques Henry, Perfactaphone et Parlophone. Elle est morte prématurément à 39 ans le 14 août 1930 à Paris (10ème arrondissement).
Puis Lina Tyber, la blonde et coquette sentimentale, appelée “ La voix d’or du Music-hall”, qui était née à Bruxelles le 11 décembre 1891, et dont le nom véritable était Berthe de Cocker. Elle débuta dans sa ville natale et arriva en France peu avant la première guerre mondiale. Elle accomplit une intense carrière durant les années ‘20 et 30’. En février 1938 elle réalisa ses dernières prestations en Corse, en Afrique du Nord et à Bruxelles. Elle avait 48 ans lorsqu’elle se retira de la vie publique et mourut à Nice le 4 septembre 1970.
Les journaux de 1929 soulignaient sa voix claire et signalaient que “Lina Tyber conserve la bonne tradition de la chanson. C’est une divette”.
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Prior se présenta ensuite; ce chanteur marseillais offrit une sélection de chants méridionaux basé sur des chansonnettes et des historiettes sans grande importance qui ne plurent pas au public. Un journaliste écrivit “
Prior vient de Marseille, mais il raconte des plaisanteries déjà connues depuis longtemps à Paris “; un autre se demandait : “
N'y a-t-il pas moyen d'établir un tour de chant provençal à la manière dont un Carlos Gardel a établi un tour de chant argentin?”. Cependant, malgré ces commentaires défavorables, il était reconnu pour son talent et présenté fréquemment comme une “
célèbre vedette”, un “
chanteur et sympathique amuseur”.
En plus de se présenter en soliste (“Prior le célèbre comique marseillais”), il dirigeait une troupe avec ses “jeunes cigalounettes” (Appelée également “Prior et ses provençaux”) qui offrait des ballets, des imitations et des parodies d’artistes du moment.
Pour sa promotion, on choisit comme affiche une œuvre de Paul Colin (1892-1985), un maître de la communication visuelle, créateur de décors et de costumes de théâtre, de plus de 1400 affiches et de publicités.
Son style très Art Déco du début devint plus personnel et impossible à cataloguer par la synthèse de ses portraits que lui même qualifiait de “télégrammes pour les yeux”.
A droite, dans la partie inférieure de la lithographie de Gardel figure le nom de l’imprimerie H.Chachoin et l’année 1930, ce dont on déduit qu’il y eut plusieurs réimpressions de cette affiche. Bien qu’il soit possible que toutes ne soient pas aux mêmes dimensions et proviennent de divers imprimeurs, l’affiche que nous présentons mesure 160cmx120cm et l’original est conservé à la BNF (Bibliothèque Nationale de France) à Paris.
Sur la même marge, à gauche, figure le nom de l'agence de Publicité "SUCCÈS" et son adresse: 7, Impasse Marie-Blanche, dans le 18ème arrondissement de Paris. Cette agence rédigeait les publicités du journal "Musique et Théâtre", et on peut en déduire qu'elle travaillait avec l'imprimerie Chachouin.
Dans ce cas, on peut penser que l'agence Succès a commandé l'affiche à Paul Colin le travail, et l'a fait imprimer par Chachoin.
On peut penser aussi à un lien entre "Succès Publicité" et les disques "Odéon", d'après la publicité suivante:
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“Quelques vedettes ODEON vues par Paul Colin” (1932) |
En cette nuit du 22 février, Gardel fut acclamé par les applaudissements et les ovations et dut bisser plusieurs thèmes. La presse le définissait comme “charmant”, soulignait sa mise en scène, son “exotisme assez pittoresque” et était surprise parce qu’il chantait en “langage humain” plus qu’en “langue espagnole”.
“Il chante, et aussitôt, se crée l’ atmosphère. Voici la pampa, le gardien de bestiaux, voici l’immense campagne sud-américaine, ses villages, ses mœurs rudes, sa poésie. Et voici la ville, le bouge avec ses tangos voluptueux et sauvages. Par le miracle de l’art, Carlos Gardel recrée chaque soir l’Argentine, mais non point la fausse Argentine des tangos parisiens, mais ce pays de mirage lui même. Il nous emmène sur le chemin de Buenos Ayres.
Il excelle à faire passer dans ses couplets toute la mélancolie de la pampa, à traduire l’âme sentimentale, nostalgique et chevaleresque de son pays. Ses airs, parfaitement scandés, ont de la douceur, de la langueur, une tendresse caressante et enjôleuse que secouent brusquement des mouvements d’ ardeur passionnée.
Carlos Gardel les nuance avec un art délicat et plein de charme; sa voix chaude est d’une extrême souplesse d’intonation et elle n’est pas moins expressive que sa mimique".
La presse consacrait davantage de commentaires à sa présentation qu’à celle des autres artistes, soulignant “la couleur locale” de son art, son “parler argentin” et ne tarissait pas d’éloges envers le “grand artiste, plein de recours variés” à la “voix cordiale et chaleureuse”, le choix du répertoire, “son chant du gaucho veillant sur le troupeau”, une claire allusion à la chanson “El Carretero” (le Charretier) qui en ce temps faisait fureur à Paris et qu’il avait chanté à la demande du Président de la République Française.
La phrase la plus surprenante fut “Carlos Gardel c'est le film sonore sans film, le cinéma de notre ouie s sons et de notre poésie de voyageur sédentaire”.
Après une mention à ses guitaristes et au propre Gardel pour sa manière de chanter, le chroniqueur affirma que “les barytons d’aujourd’hui sont les ténors d’autrefois”
Nous n’avons pas trouvé d’information sur les morceaux qu’il interpréta durant son passage, et pour cela, nous nous en remettons à
sa présentation à l’Opéra où nous avons évoqué les thèmes qu’il avait chantés .
Le numéro suivant fut Blanche de Paunac “la mystérieuse” voyante connue aussi sous le nom de "La Dame Blanche”. Elle était liée au cirque Rancy, où déjà en 1903 elle lisait les pensées des spectateurs, d’après les articles relevés dans plusieurs exemplaires du “Journal de Genève” de cette année.
Les commentaires des journaux n’étaient pas tous élogieux. L’un signalait que son époux, M. de Paunac, formulait les questions sous forme codée (ce qui est considéré comme une trahison des spectateurs) et définissait Blanche comme une “calculatrice d’alphabet” dans une supposée transmission de pensée et de prédiction “avec des discours commerciaux de Pythonisse de foire”
Elle entrait en scène avec les yeux bandés pendant que son compagnon formulait de la part des spectateurs des questions auxquelles elle répondait dans “un travail vite fait, bien fait” d’une “habileté déconcertante”. |
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Un autre éminent numéro était celui du magicien français RYSS, dont le vrai nom était Georges Gay. Né en 1880, il se présentait comme “le Barman de Satan” et il fut le créateur du “Bar Magique” ou “Any Drink Called For” dans lequel il produisait immédiatement la boisson qu’un spectateur citait ; son numéro fut copié ensuite par d’autres artistes, notamment Think-a-Drink Hoffmann, Joan Brandon et De Roze.
Face à tout le public, Ryss offrit un verre d’eau transformé en chartreuse à un journaliste qui n’était pas très enthousiasmé par son numéro mais qui définissait Ryss comme un homme charmant qui adorait son travail et qui le renouvelait en permanence.
Sa technique surprenait parce que les spectateurs tenaient les verres en main, fait qui augmentait sa virtuosité de prestidigitateur
Après plusieurs succès à Paris, il enrichit son numéro en transformant l’eau en parfum qu’il soumettait à l’examen olfactif des dames présentes, gagnant le respect et l’admiration du public, des collègues et des rivaux.
Ryss mourut en 1932. |
Van Horn et Inez étaient un couple de patineurs à roulettes que se produisait sur une petite table ronde qu’un certain journaliste qualifiait également de “plaque tournante”. Sur la vidéo on observe un “tourbillon de femme suspendue au cou de l’homme et transformée en toupie, une prouesse inédite et miraculeuse”. Prodige de maîtrise, d’agilité, et d’audace, ce numéro faisait frissonner le public avec ses exercices. Il avait fait fureur à l’”Olympia” de Londres et dans cette première tournée en France, il avait partagé la scène avec Gardel à Cannes.
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Les quatre Ortons présentaient un “remarquable numéro sur fil de fer” réparti en plusieurs entrées, chacune d’entre elles était “une rencontre rapide et irrésistible”. Les trois équilibristes (l’un d’eux sautait à travers un cerceau de papier et tombait à nouveau sur le fil) et les danseuses bondissant de joie se présentaient avec des ombrelles vertes et des vêtements courts et élégants. Le quatrième participant faisait des numéros comiques pour relâcher les tensions des exercices originaux et risqués. Brièvement, la presse mentionne “un canard déguisé, pas plus excentrique que son maître”
Une autre grande attraction de ce spectacle de l’Empire fut Esther Lee Jones, connue artistiquement comme
“Little Esther” (également :“Li’l”, “Lil” ou “Baby” Esther). Chanteuse, danseuse, acrobate et clown pour enfants, elle débuta sa carrière artistique aux environs de 6 ans, tourna dans un court métrage parlant en 1928, et l’année suivante réalisa une tournée en Europe comprenant la représentation que nous évoquons ici.
La presse la définissait comme “une Joséphine Baker en miniature”, “un petit échantillon noir désarticulé, rapide et humoristique” “Haute comme trois pommes, comme trois pommes de bronze, luisante et potelée” elle dansait comme “une prêtresse de l’Idole noire, aux accents frénétiques du jazz”. Elle prenait plaisir de son charleston, de ses mimes, de ses grimaces, et méritait le chaleureux accueil du public de l’Empire. Un chroniqueur signalait que “c’est, d’ailleurs un numéro – en dépit de tout ce qu’on pourrait dire au nom de la morale, – fort pittoresque et l’habileté en même temps, que la grâce naturelle de Little Esther réussit à nous faire oublier ce qu’il y a de gênant dans ce petit prodige”.
C’était l’enfant artiste la mieux payée au monde “trop jolie pour les mots”, au succès étincelant et à l’incroyable talent dont l’art arriva jusqu’à Rio de Janeiro (où elle se produisit à l’Ambassade des États Unis), Sao Paulo, Buenos Aires et Montevideo.
Elle inspira le célèbre personnage de Betty Boop, comme le constata la justice en 1932, lorsque la chanteuse Helen Kane l’accusa de copier sa voix pour ce personnage. La défense démontra que dans le film sonore de 1928, Baby Esther utilisait déjà le “boo-boo-boo” et le “doo-doo-doo” et beaucoup d’artistes affirmèrent l’avoir entendu chanter avec une voix de bébé et en utilisant des interpolations comme “bo-de-odo” pendant plusieurs années.
Djibô, dont l’image voisinait celle de Gardel sur l’affiche, était une femelle chimpanzé de deux ans née dans la forêt de Djibouti, où deux marins l’avaient capturée.
Elle débarquait au port du Havre au moment où André RANCY se promenait, et celui ci l’acheta immédiatement. Il l’hébergea dans sa résidence d’Asnières, où en quelques jours Djibô arracha les moulures des murs laissant pendants les câbles d’électricité qu’elle utilisait pour se balancer, ce dont André Rancy n’eut aucun doute : Djibô serait trapéziste.
Vêtue d’un pantalon kaki aux plis impeccables, et d’une chemise à col Danton, dès que son dresseur lui donnait l’ordre d’un ton affectueux, elle commençait son labeur. Avec de la grâce dans l’élan et de l’agilité dans ses pas, elle attrapait le trapèze en se contorsionnant dans l’air et en défiant les lois de la gravité, et volait dans les airs comme avec les lianes de sa forêt natale. Le numéro fini, elle frappait dans ses mains, amorçant une salve d’applaudissements du public.
Les journaux parisiens signalaient “qu‘elle paraissait ressentir un plaisir extrême, autant que les spectateurs” et que “les évolutions au trapèze de l’intelligent chimpanzé Djibô, un être exceptionnel, une merveille d’entraînement psychologique coïncidant avec un animal singulièrement docile, respectueux et perspicace. La présentation en liberté en est la preuve. Rarement, un numéro n’a été mieux défini que par le mot parfait"
Le spectacle était si attractif qu’en 1930 Rancy incorpora Oyem, un autre chimpanzé qu’il entraîna de manière identique, mais dès 1932 on ne trouve plus aucune trace de lui et Djibô fut présentée à nouveau seule.
Une des attractions illisibles sur l’affiche du début de cet article, mais mentionnée par la presse fut les équilibristes
Yamamoto & Miss Koyoshi, qui clôturèrent le spectacle avec son décor rouge. Le rituel des contorsionnistes japonais n’était pas influencé par les méthodes européennes ni cosmopolites, mais il conservait son rythme, ses traditionnelles révérences, ses jongleries de pieds avec des parasols, la souplesse sur le piedestal du contorsionniste soutenant une échelle qui se scinde et sa «
fleur feminime japonaise » à la cime.
Yamamoto était une figure internationale, que nous trouvons en France dès 1904 et à Madrid à partir de 1907. La presse le présentait comme un jongleur, “avec un luxe extraordinaire” dans des numéros que le public “récompensa par de grands applaudissements” et qui constituèrent “une véritable attraction”. “Des japonais avec des numéros incroyables de précision et d’originalité”, “Yamamoto est un équilibriste qui fait ce qu’il veut avec ses pieds et avec sa partenaire, la gracieuse Koyoshi”.
ANDRÉ RANCY (1898-1964) appartenait à une illustre famille de cirque qui commença avec
Jean Rancy (1785-1863), continua avec son fils
Théodore et ses petits enfants
Alphonse (1860-1933) et
Napoléon (1866-1932) qui firent leurs carrières de manière indépendante comme leurs enfants respectifs, jusqu’à ce que l’invasion allemande à Paris interrompe leurs activités. Après la guerre,
Albert (1890-1982) et son frère
André (1898-1964) tentèrent de reprendre leurs activités sans atteindre le succès de leur cousin
Henri (1896-1972) et son cirque Napoléon Rancy. Sa fille
Sabine (1929-2010), exceptionnelle écuyère, dirigea son propre établissement entre 1963 et 1977, fusionnant ensuite avec le cirque Carrington
André était un artiste équestre et il participa aux tournages des film “Croquette” qui en France fut sous-titré “une histoire de cirque”(Dir. Louis Mercanton, 1928), puis “Les Vagabonds Magnifiques” (Dir. Gennaro Dini, 1931) et “Adémaï au Moyen-Âge” (Dir. Jean de Marguenat, 1935), bien que sa participation ne figure pas sur le site IMDB, (Internet Movie Database (littéralement « Base de données cinématographiques d'Internet »))
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Albert et André dans “Adémaï au Moyen-Âge" |
Quoiqu'on n'a pas pu établir l'ordre qu'il occupait dans le programme, la presse lui dédiait des phrases élogieuses: "Voici un remarquable numéro de haute école présenté dans le style des grands cirques par André Rancy, cavalier de grande classe qui perpétue la vieille tradition de la piste".
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Loïs Hutton |
Cette nuit là, furent présentées Loïs Hutton et Hélène Vanel qui s'étaient connues en 1921 à Londres où elles apprirent la danse avec Margaret Morris et la peinture et la sculpture avec John Duncan Fergusson.
Loïs commença à concevoir des costumes et en 1924 créa sa propre compagnie de danse, “Ballets Rythme et Couleur” avec Hélène, qui voulait une danse libre, sans conventions, avec le danseur comme matériel artistique. A Paris elles donnèrent des cours de danse à beaucoup de danseurs célèbres et fondèrent sur la Riviera française un théâtre à Saint Paul de Vence.
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Hélène Vanel en 1938 |
Au milieu des années 30, leurs noms étaient cités par Dali, Picasso, le duc de Windsor et les personnalités les plus glamour du monde. C'étaient des amantes sans préjugés qui partagèrent leur vie bohème avec des artistes, des écrivains et des poètes qui venaient les voir à Saint Paul de Vence.
Leur rupture affective alla de pair avec la rupture artistique et commerciale.
Ainsi, en 1938 Vanel se produisit à l’Exposition Internationale du Surréalisme représentant l’hystérie au travers de la danse, dans une performance qui généra une grande critique du public et de ses partenaires.
Loïs Hutton produisit des œuvres picturales qui aujourd’hui font partie de la collection de la Galerie Fergusson et qui furent le thème du livre Rhytm & Color de Richard Emerson,
publié par Golden Hare en 2018.
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La revue "La Rampe" a dédié une page au spectacle de l'EMPIRE |
Sur la grande affiche du théâtre Empire, l’annonce de la pièce de théâtre “LE GOUFFRE” fait référence à une œuvre qui sera représentée le samedi 23 mars, lors d’un gala organisé par Mademoiselle Duchoiselle, fondatrice de l’œuvre “le pot-au-feu des Vieux” au bénéfice des personnes âgées et des enfants abandonnés.
Le Comité d’Honneur (comprenant le Ministre de l’Intérieur M. Tardieu, le Président du Sénat Paul Doumer, le Directeur Général de l’Assistance Publique M. Mourier) sous le patronage du Président de la République, organisa une représentation incluant la pièce “Le gouffre” de M. Henry Bouyssou créée par une éminente sociétaire de la Comédie Française et Madame Armande Cassive dans les rôles principaux. Au second acte, devaient se produire, selon les annonces de la presse, Marie Dubas et Sylvia Bellini, MM. André Baugé de l’Opéra, Urban, Dorin, Daudy et Jean Weber ainsi que d’autres grandes stars parisiennes.
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En 1940, l'Empire n'ouvrait que pour les soldats allemands |
Pendant c temps, et jusqu'au 5 avril 1929, Gardel remplissait ses engagements au cabaret "Florida". Il enregistra des disques à Paris, puis se produisit en Espagne et retourna en Argentine. Il revint à nouveau sur la scène de l’avenue de Wagram du 26 décembre 1930 jusqu ‘au 8 janvier 1931, dans un spectacle du même genre que celui que nous évoquons ici.
Par la suite, le Théâtre Empire vit passer de nombreux directeurs : comme le célèbre escroc Stavisky (qui occupa cette fonction pour plaire à l’actrice et chanteuse Rita Georg), ou les frères Amar (qui présentèrent des numéros de cirque de qualité en laissant un important espace pour les variétés). A partir de 1937 on y présenta des pièces de théâtre sans grand succès. Pendant la seconde guerre mondiale le théâtre fut fermé au public parisien et réquisitionné par les autorités d’occupation pour devenir un théâtre pour les soldats allemands
L’Empire rouvrit ses portes en 1946; en 1949 il devint un théâtre et en 1962, on l’inaugura à nouveau, totalement modernisé, avec une verrière de 250 mètres carrés et une salle d’une capacité de 1200 spectateurs sur deux niveaux, spécialement équipée pour projeter des films en “Cinérama” sur un écran de 30 x 10 mètres. Il prit le nom d’ “Empire Cinérama- Théâtre Abel Gance”.
En 1975 la Société Française de Production transforma l’Empire en un studio de télévision où l’on enregistra de nombreux programmes.
Le dimanche 13 février 2005, peu avant 7 heures du matin, il fut dévasté par une forte explosion produite par un chauffe-eau, qui fit 7 blessés, et il fut démoli après ce sinistre.
A sa place fut construit l’hôtel 5 étoiles “Renaissance Arc de Triomphe”, avec une façade vitrée en courbes et contre-courbes réalisée par l’architecte Christian de Portzamparc.
Malgré cela, la présence invisible de Gardel plane sur ce lieu, et nous invite à plonger dans ce passé peuplé d’écuyers, de jongleurs et du chimpanzé Djibô.
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Vue actuelle de l'emplacement de l'ancien théâtre "Empire" |
Ana Turón
Collaboration documentaire et traduction: Georges Galopa
Janvier 2021
SOURCES CONSULTÉES
LIVRES:
AA.VV. Todo Gardel. Altaya, 2001
Morena, Miguel Ángel: Historia artística de Carlos Gardel estudio cronológico. (2008)
JOURNAUX et REVUES :
La Semaine à Paris Nº 353 (du 1er au 8 mars 1929)
Le Carnet de la Semaine” du 3 mars
Le Journal de Genève (plusieurs numéros, 1903)
LA RAMPE, 15 mars 1929
Le Figaro, 26 février 1929
Le quotidien, 29 janvier 1929
Le quotidien, 11 février 1929
Comoedia 12 février 1929
INTERNET:
IMDB : Internet Movie DataBase
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